Philippe Muray, né le 10 juin 1945 à
Angers et mort le 2 mars 2006 à Paris, est un essayiste et romancier
français
Biographie
On sait peu de choses de la vie de Philippe Muray. Il est le fils
de Jean Muray, écrivain et traducteur d'auteurs anglo-saxons (Jack
London, Herman Melville, Rudyard Kipling, Barbara Cartland, etc.) ; sa
mère était une lectrice passionnée. Philippe Muray indique que ses
parents ont joué un rôle important dans son éducation littéraire et son
goût pour la lecture. Il reçoit une éducation religieuse catholique.
Philippe Muray fait des études supérieures de lettres à
l'université de Paris.
Dans les années 1970, il est assez proche de Philippe Sollers et de
la revue Tel Quel. Il publie plusieurs romans à cette
époque, et, en 1981, un essai controversé sur Louis-Ferdinand
Céline, dans lequel il refuse de séparer l'auteur du Voyage au
bout de la nuit et le pamphlétaire antisémite de Bagatelles pour un
massacre.
En 1983, il enseigne pendant trois mois la littérature française à
l'Université Stanford, en Californie. C'est là que lui vient l'idée de
L'empire du Bien et qu'il rassemble la matière du
XIXe siècle à travers les âges, publié en 1984 par Philippe
Sollers, devenu éditeur chez Denoël ; il s'agit d'une vaste fresque dans
laquelle Muray souligne l'importance de l'occultisme dans la genèse de
la pensée socialiste.
Il écrit ensuite de nombreuses chroniques, d'abord publiées dans des
journaux ou revues (Revue des deux Mondes, Art Press, L'Infini,
L'Idiot international, Immédiatement, La Montagne, Marianne),
puis reprises en volumes dans Après l'Histoire et Exorcismes
spirituels.
Dans ces chroniques, il ne cesse de combattre le monde moderne sous
ses diverses formes, utilisant, conformément à la tradition pamphlétaire,
une prose riche en formules et en raccourcis.
« Je n'ai pas cherché à donner un tableau de notre
société. J'ai fait l'analyse de l'éloge qui en est fait. »
« Ce devant quoi une société se prosterne nous dit ce qu'elle est. »
Controverse avec Daniel Lindenberg
En 2002, dans son livre Le Rappel à l'ordre: enquête
sur les nouveaux réactionnaires, Daniel Lindenberg rapproche
Philippe Muray de Michel Houellebecq et Maurice G. Dantec, les rangeant
(avec d'autres personnalités) dans la catégorie des « nouveaux
réactionnaires ». En réponse, avec entre autres Alain Finkielkraut,
Marcel Gauchet, Pierre Manent et Pierre-André Taguieff, il signe un Manifeste pour une pensée libre contre le livre de Daniel Lindenberg.
Les trois derniers livres publiés de son vivant sont Chers
djihadistes... (2002), Festivus festivus Conversations
avec Élisabeth Lévy (2005) et Moderne contre moderne (octobre 2005). Dans Festivus Festivus, Élisabeth Lévy,
directrice de Causeur, le caractérise comme un « vieux
libéral ».
Mort le 2 mars 2006 d'un cancer du poumon, Philippe Muray est inhumé le 8
mars au cimetière du Montparnasse (10e division).
L'œuvre
de Philippe Muray
Divers
Il est l'auteur de plusieurs romans : Chant pluriel
(1973) ; Postérité, (1988) ; On ferme
(1997), ainsi que de près d'une centaine de romans policiers de commande
(pour Gérard de Villiers) publiés sous un pseudonyme pour l'instant
toujours inconnu, d'un essai sur Rubens (La Gloire de Rubens,
Grasset, 1991) et d'un recueil de poèmes comiques (Minimum Respect,
Les Belles Lettres, 2003).
Chroniques et essais sur l'« époque qui
commence »
À l'image de Céline, avec un esprit critique développé, Philippe Muray se
voulait le chroniqueur et le contempteur du désastre contemporain, cette
époque où « le risible a fusionné avec le sérieux », où le « festivisme
» fait loi. Son œuvre stigmatise, par le rire, la dérision et l'outrance
de la caricature les travers de notre temps. Il inventa pour cela (dans
Après l'Histoire) une figure emblématique de ce temps : Homo festivus, le citoyen moyen de la post-histoire, « fils
naturel de Guy Debord et du Web ». À l'opposé d'une vision étroitement
nihiliste, il avait le projet, contre le « règne du Bien » (décrit dans
l'essai L'empire du Bien), de « réintroduire le négatif
pour montrer que lorsqu'on l'évacue, on ne peut plus rien comprendre ».
Il développa ce personnage sous le nouveau nom de Festivus
festivus dans des entretiens avec Élisabeth Lévy parus pendant
plusieurs années dans la revue Immédiatement.
Philippe Muray invente également le concept d'« envie du pénal
», qui stigmatise la volonté farouche de créer des lois pour « combler
le vide juridique », c'est-à-dire, selon lui, pour supprimer toute forme
de liberté et de responsabilité. Envie de pénal qu'on
retrouve aussi dans la judiciarisation de la vie quotidienne, autrement
dit le recours permanent aux tribunaux pour régler les problèmes
auxquels les individus sont confrontés.
Le style de Philippe Muray
Le style de Philippe Muray est le plus souvent copieux, ardent et
drôle. Il aimait créer des néologismes assassins, comme «
Artistocrate » (pour décrire les artistes qui prêtent serment
d'allégeance aux politiciens et aux fonctionnaires, et dont l'activité
artistique devient une charge comme il en existait sous l'Ancien
Régime), ou encore « rebellocrate » (ceux qui posent en
rebelles tout en étant en réalité proches du pouvoir), « Mutin de
Panurge » (individus dont la rébellion est factice et en accord
avec l'air du temps) et « Maton de Panurge » (individus
qui tentent par tous les moyens de faire taire les voix qui s'opposent
au consensus politiquement correct), entre autres.
Il a les tics délirants d'un langage outré, redondant, martelant et
imagé, qui donne à ses textes polémiques la saveur de la littérature
jouissive de Céline et de Thomas Bernhard mâtiné d'Alfred Jarry dont il
semble avoir subi l'influence.
Postérité
La revue littéraire L'Atelier du Roman, à laquelle
Philippe Muray avait collaboré, lui a consacré un numéro spécial en
2007.
En septembre 2010, le magazine Causeur a publié
également un numéro intitulé Muray revient. Et il n'est
pas content, avec des textes d'Elisabeth Lévy, Pierre de Beauvillé et
Alain Finkielkraut.
En 2013 ce même périodique a publié des « chroniques
post-mortem » issues du Journal de notre auteur.
En avril, août, septembre et décembre 2010, Fabrice Luchini a lu
des textes de Philippe Muray au Théâtre de l'Atelier.
En 2010, les éditions Les Belles Lettres ont publié
une anthologie, Essais, « où sont réunis sept ouvrages que
Muray a publiés pendant les quinze dernières années de sa vie, sa
période la plus féconde et la plus épanouie. » « Discrètement annotée
par Vincent Morch, cette édition monumentale […] contient près de 400
textes [dont aucun n’a] perdu son pouvoir d'élucidation. »