Richard Millet (né le 29 mars 19531 à
Viam en Corrèze) est un écrivain et éditeur français.
Originaire de Corrèze — il y retourne régulièrement —, né d'un père
protestant et d'une mère catholique, Richard Millet passe une partie de
son enfance au Liban (de six à quatorze ans). Il participe à la guerre
du Liban en 1975-1976 en tant que volontaire auprès de la communauté
chrétienne. Il enseigne les lettres pendant vingt ans avant d'y renoncer
pour se consacrer entièrement à l'écriture. Il fonde avec le poète
Jean-Michel Maulpoix la revue Recueil en 1984, dans
laquelle il écrit quelques chroniques sous le pseudonyme de Marc
Fournier.
En 2005, il est avec Frédéric Beigbeder, Alain Decaux, Mohamed Kacimi,
Daniel Rondeau et Jean-Pierre Thiollet, l'un des participants du Salon
du livre de Beyrouth et contribue au renouveau de cette manifestation.
Romancier et essayiste, il peint sa Corrèze natale dans de nombreux
romans ou récits et s'attache, dans ses essais, à défendre une certaine
idée de la littérature.
Richard Millet a été éditeur chez Gallimard jusqu'en 2012.
À ce titre, il a joué un rôle décisif dans la publication du prix
Goncourt 2006, Les Bienveillantes de Jonathan Littell ; en
2011, le prix sera de nouveau attribué à l'un de « ses » auteurs (Alexis
Jenni pour L'Art français de la guerre).
Il est père de deux filles, dont l'une a été baptisée à Viam en
août 2002.
L'œuvre
L'œuvre de Richard Millet se construit autour des thèmes du temps,
de la mort, de la langue. Son style se veut l'héritier de la grande
prose française « de Bossuet à Claude Simon ».
Plusieurs de ses romans ont pour cadre le village de « Siom »,
pendant littéraire de Viam, notamment dans La Gloire des Pythre,
L'Amour des trois sœurs Piale, Lauve le pur, Ma vie parmi les ombres,
Tarnac, Le goût des femmes laides. Plus largement, le plateau de
Millevaches, son paysage, son climat, sa situation géographique,
l'évolution de la vie de ses habitants au cours du XXe siècle, sont des
éléments essentiels au contexte de ses histoires.
Il entremêle références religieuses et mots crus, ce qui l'inscrit
à la fois dans la tradition catholique et dans une certaine modernité
littéraire (celle de la liberté sexuelle). Le désir, le mal et la
souffrance sont autant de thèmes qui traversent toute son œuvre.
L'essayiste
polémiste
En 2005, dans Le Dernier Écrivain et Harcèlement
littéraire, Millet critique les écrivains français contemporains
qui méconnaissent les règles de la langue française. Il dénonce aussi la
domination du roman policier, de l'heroic fantasy ou de la
science-fiction, « sous-genres » qui auraient entraîné, selon lui, une
certaine inversion des valeurs. Il s'oppose en cela à Borges pour qui le
roman policier serait le digne héritier de la tragédie grecque, mais
rejoint José Ortega y Gasset, lequel prétendait que le roman
psychologique dépassait en intensité les autres genres. Reprenant à son
compte cette position, Millet oppose aux autres genres littéraires une
langue foisonnante, riche et profonde, à la différence, par exemple,
d'un Bernanos qui se moquait bien des genres.
En 2007, dans Désenchantement de la littérature,
il fustige une nouvelle fois les manquements des auteurs français
contemporains, mais aussi la perte du sentiment religieux en Europe. Il
soutient que la France, sans son identité chrétienne, ne serait plus
elle-même. Ses positions aussi bien littéraires que religieuses ont
suscité de nombreuses critiques dans le monde littéraire. Il répond à
ses détracteurs dans un livre de fragments paru en mars 2008,
L'Opprobre, qui est lui aussi très critiqué. Contrastant avec
ces réactions critiques, l'écrivain Philippe Sollers se montre en
accord, au moins partiel, avec le constat du Désenchantement.
En 2010, Richard Millet publie L'Enfer du roman,
un ensemble de réflexions sur ce qu'il appelle la « postlittérature ».
Il y critique sévèrement l'hégémonie du « roman international, insipide,
sans style », et lui oppose la solitude de l'écrivain et la recherche du
style, possible seulement en plongeant dans les profondeurs de la
langue. L'année suivante, il développe ses positions littéraires et
sociales dans Fatigue du sens et Arguments d'un désespoir
contemporain.
Le 10 juillet 2012, sur France Culture, il fait
scandale en déclarant que « quelqu’un qui à la troisième génération
continue à s’appeler Mohammed quelque chose, pour moi, ne peut pas être
français. »
En 2012, il publie chez Pierre-Guillaume de Roux un essai
intitulé Langue fantôme, suivi de Éloge littéraire
d'Anders Breivik, dans lequel il s'en prend au multiculturalisme
et à la perte de repères identitaires à l'origine, selon lui, du geste
du tueur norvégien. Frappé par la « perfection formelle » des actes de
Breivik, Richard Millet leur prête une « dimension littéraire » qui
aurait été mal comprise et mal interprétée par la presse : seule une
littérature qui ose s'intéresser à la question du mal est valable à une
époque où le divertissement domine, et donc l'insignifiance.
Tout en condamnant les actes d'Anders Breivik, Richard Millet affirme
qu'il est « sans doute ce que méritait la Norvège et ce qui attend nos
sociétés qui ne cessent de s'aveugler » et considère Anders Breivik
comme « tout à la fois bourreau et victime ». Il assimile ce massacre à
un nouveau symptôme de l'échec de la littérature, supplantée par le
fusil d'assaut. Une polémique s'ensuit. Annie Ernaux publie dans
Le Monde une tribune intitulée « Le pamphlet fasciste de Richard
Millet déshonore la littérature », cosignée par une centaine
d'écrivains. D'aucuns jugent cette publication incompatible avec
les fonctions de Millet chez Gallimard. Le 13 septembre 2012, il annonce
sa « démission contrainte » du comité de lecture des
éditions Gallimard. L'année suivante, Muriel de Rengervé publie aux
éditions Jacob-Duvernet le récit de cette « mise à mort »
de l'écrivain, L'Affaire Richard Millet, où elle défend la
liberté souveraine de la littérature.
L'expérience
de la guerre
Dans son livre La Confession négative, Richard
Millet, dans la ligne d'écrivains comme André Malraux, explique, à
travers son double de fiction, comment « il va s'engager aux côtés des
chrétiens, moins par conviction que par principe, " ignorant des enjeux
réels de cette guerre " [la guerre du Liban] mais persuadé qu'elle seule
peut donner à l'écrivain qu'il veut être, sa vérité, encouragé en ce
sens par Hemingway, Jünger, Faulkner, Malaparte ou T. E. Lawrence. »
Extrait : « J'ai dû tuer des hommes, autrefois, et des femmes, des
vieillards, peut-être des enfants. Et puis j'ai vieilli. Nous avons
vieilli plus vite que les autres. Nous avons dit ce qu'on dit que nul ne
peut regarder fixement : le soleil, la souffrance, la mort. De tout ça,
je peux parler à peu près librement : ceux qui m'avaient fait jurer de
me taire et me menaçaient de mort, si je racontais certaines choses,
ceux-là ne sont plus de ce monde, maintenant, et il y a longtemps que
j'ai regagné l'Europe où les hommes ne croient plus à rien et où les
ormes sont morts de maladie. »
La passion pour la musique
Dans son livre Musique secrète, paru en 2004,
l'écrivain évoque son goût pour la musique classique. Son père est un
musicien amateur, il joue du violon et du piano. Dès l'enfance, Richard
Millet est immergé dans une ambiance musicale, de sorte que la musique a
toujours été présente dans sa vie. Il joue lui-même du piano et consacre
une heure tous les jours à cet instrument. Son père l'inscrit au
conservatoire de musique, il fait un séjour linguistique en Angleterre
chez le compositeur Peter Burden et rêve de devenir lui-même musicien.
Il écrit même un morceau de piano, une pièce atonale inspirée par la
musique de Schönberg, de Berg et de Webern. Mais il est obligé
d'abandonner ses études par répugnance à jouer en public. Sa vocation
est l'écriture. Désormais, il écrit ses livres en musicien. Ne pas aimer
la musique est pour lui une faute inexcusable. Il s'inscrit dans la
tradition des penseurs fascinés par cet art, tels saint Augustin,
Rousseau, Nietzsche, Baudelaire ou Proust.
Il a par ailleurs rendu hommage à la musique contemporaine (Pour
la musique contemporaine, 2004) et écrit le livret de l'opéra de
Marc-André Dalbavie, Gesualdo, créé à Zurich en 2010.